"Comme une bombe atomique"

, par Ekkehart Schmidt, Ekkehart Schmidt-Fink

Etika estime qu’il y a de meilleures solutions qu’un bank run (proposé par Eric Cantona pour ce mardi 7 décembre) pour changer le système.

Sa présidente, Magali Paulus (photo), estime plutôt que le peuple doit faire pression sur les élus pour changer les lois du système. Une interview avec le quotidien (voir l’original en bas) :

Delphine Dard / le quotidien : Que vous inspire ce mouvement ?

Magali Paulus : Nous comprenons l’exaspération de ces citoyens car la majorité des institutions financières, après avoir été massivement renflouées par l’argent des contribuables en 2008 se sont remises à prendre de mauvaises habitudes, comme les versements de bonus pharaoniques : 144 milliards de dollars rien que pour les financiers de Wall Street pour cette année, un chiffre à mettre en balance avec les 119 milliards de dollars correspondant à l’intégralité de l’aide publique au développement versée par les pays membres de l’OCDE en 2009. Aujourd’hui elles se permettent d’exiger des gouvernements qui les ont tirés d’affaire la mise en œuvre de plans d’austérité toujours plus sévères… plans d’austérité qui auront des conséquences dramatiques sur les populations de Grèce, d’Irlande et du Portugal… Qui sera le prochain ?

Pensez-vous qu’au Luxembourg, pays où les banques sont omniprésentes, ce mouvement puisse trouver un écho ?

Ce serait un comportement très étonnant, dans un pays où 30 % de l’emploi est dépendant des services financiers !

Chez Etika où vous prônez la finance responsable, estimez-vous que cette action est responsable ?

Un bank run global conduirait à un effondrement financier. Ce serait l’équivalent de l’explosion d’une bombe atomique qui ne ferait pas de distinction entre victimes et coupables. Autant nous trouvons cette colère justifiée, autant l’histoire nous rappelle que ce sont les populations les plus défavorisées qui payent le tribut le plus lourd des conséquences des crises financières majeures : chômage de masse, misère, voire la guerre.

Quitte à proposer des solutions radicales, nous invitons ces citoyens à faire massivement pression sur leurs élus pour qu’ils prennent leurs responsabilités et fassent voter des lois contraignant la sphère financière à se remettre au service des besoins humains, voire des nationalisations pures et simples. La dérégulation financière responsable des crises que nous connaissons n’est pas tombée du ciel telle une catastrophe naturelle : elle a été votée par des dirigeants démocratiquement élus. Ce que une loi a fait, une autre loi peu le défaire.

Les institutions bancaires privées l’ont bien compris, d’où le lobbying intense qu’elles exercent pour maintenir un statu quo. Mais ce lobbying ne pourra pas faire grand-chose face à une mobilisation populaire de grande envergure : sans le soutien massif du peuple américain, Roosevelt n’aurait pas pu faire voter le Glass Steagle Act en 1933 séparant les banques de dépôt des banques d’affaires afin que les risques inhérents prises par ces dernières ne portent pas préjudice aux premières : rappelons que les banques de dépôts sont absolument nécessaires pour collecter l’épargne des particuliers et octroyer des crédits pour les entreprises et les ménages.

Chez Etika, vous proposez des produits de finance responsable.Vos
produits ont-ils plus de succès depuis la crise, ressentez vous au sein de la population un besoin de mieux connaître la finance et les répercussions qu’elle peut avoir sur les économies des gens ?

Nous constatons un fort intérêt des épargnants luxembourgeois pour des produits garantissant à la fois la transparence et la responsabilité depuis la crise de 2008 (notre compte épargne alternative a par exemple connu une croissance de 29 % en volume en 2009), et cet engouement est également constaté dans les autres pays européens : la banque jusqu’à présent considérée comme un boite noire qui rémunérait (si on avait de la chance) son épargne est désormais perçue comme un acteur social, qui doit rendre des comptes à la communauté avec qui elle interagit.

(Interview paru dans le quotidien du 6 décembre 2010)